Pour lutter contre le chômage endémique dans la région, l’entreprise CPG, principal pourvoyeur d’emplois, a créé il y a 20 ans un fonds de reconversion de l’économie. Malgré quelques réussites, les bénéfices concrets de l’opération sont encore limités.
Un ilôt de rires au milieu du désert. A Amani Land, le parc d’attractions aux portes de Metlaoui, une vingtaine d’enfants de la ville s’amusent, déguisés, dans un manège aux airs de petit train minier. Un zoo, un restaurant, une aire de jeu. Ce parc, c’est l’exemple le plus abouti des efforts de reconversion économique engagés dans le bassin minier.
« En été, on accueille jusqu’à 1200 personnes par jour. Des touristes, mais aussi des gens du coin », explique Walid, qui travaille à Amani Land. Le lieu existe depuis cinq ans, il emploie plusieurs dizaines de salariés, la plupart saisonniers. Sa construction a été financée par le Fonds de Reconversion et de Développement des Centres Miniers (FRDCM).
La diversification de l’économie dans cette région sinistrée est devenue un impératif. Le chômage a explosé ces dernières décennies – presque 50 % aujourd’hui. Principale cause : la compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG), premier employeur de la région, a drastiquement réduit ses effectifs. Quand les mines sont passées à ciel ouvert, le nombre de salariés a chuté de 15 000 à 6 000. Sous la pression conjuguée de l’Etat et de la population, la CPG a donc créé le FRDCM, en 1991, tentative pour libérer la région de sa dépendance à l’économie minière.
Tourisme, commerces, mais aussi industries, les habitants qui veulent créer leur entreprise peuvent bénéficier de prêts garantis par le fonds. A Metlaoui, une usine de céramique doit voir le jour dans les mois qui viennent. Elle doit créer 400 emplois. En 2008, le fonds revendiquait 4 millions d’euros investis, et déjà le financement de plus de 60 projets. 1 600 emplois auraient ainsi vu le jour.
Réunions administratives et salamalecs
Mais pour les habitants, les retombées sont encore beaucoup trop limitées : « Il y a effectivement quelques projets qui en ont profité à Metlaoui, concède Adel, professeur d’Histoire-Géographie dans la ville. Mais sinon ce ne sont que des petites boutiques de pressing, de quincaillerie. Pour les emplois, cela ne sert à rien. »
Pour expliquer ce manque d’efficacité, certains dans la population évoquent des soupçons de corruption : « L’argent s’est volatilisé, s’emporte Lakhdar Souid, qui a tenté d’ouvrir un gîte rural dans l’oasis de Gafsa grâce au FRDCM. A la place, des maisons et des grandes villas ont surgi de nulle part. »
Il met également en cause des blocages administratifs. Pour son projet, le ministère de l’Agriculture ne lui a toujours pas accordé de permis, au prétexte qu’une loi interdit l’arrachage des arbres dans l’oasis. « Pourtant, j’ai bien précisé que je ne voulais pas arracher d’arbre. Ils n’en ont rien à faire. Voilà déjà trois ans que c’est suspendu. Et je ne suis qu’un exemple. » Son projet devait employer 36 personnes. « L’administration étouffe les initiatives, poursuit-il. Ils font beaucoup de réunions et de salamalecs, mais ils ne sont pas efficaces pour nous sortir du bourbier. »
Ulysse MATHIEU et Matthieu MOULIN, à Gafsa